• Juste un petit diner

    Point de vue interne: Azazel

    (Image issue de We Heart It)

     

    Juste un petit diner

    Je tapai furieusement contre les touches de mon ordinateur portable. J'étais une véritable boule de nerf et n'en pouvais plus. J'avais besoin de me défouler d'une manière ou d'une autre. Je préférai l'éviscération, mais l'acharnement que je manifestais contre le dernier rapport de la garde du palais que je devais vérifier, corriger, réécrire et envoyer à ma supérieure, me procurait une satisfaction très passagère. Que du bonheur. Je n'avais qu'une seule envie, c'était de me lever, claquer la porte, retrouver ce connard et de lui infliger une blessure mortelle.

    Je savais que ma rage brulante aurait dû être maitrisée le temps de mon travail, mais j'en étais tout simplement incapable. La blessure était trop fraiche encore pour moi. Il n'y avait plus qu'à prier pour qu'on ne m'obligeât pas à exécuter une tâche exigeant de la délicatesse, parce que je n'étais vraiment pas d'humeur.

    Un "tilt" résonna joyeusement dans la pièce. ELLE voulait quelque-chose. Je cliquai sur la petite enveloppe qui occupait désormais le coin de mon écran. Le message s'afficha en grosses lettres.

     

    "Coucou Azazel,

    Bélial est accusé d'avoir éventrer un membre de l'aristocratie (encore) mais personne n'a de preuve. Tu peux aller chercher Vérité, STP? Je t'ai envoyé Samaël pour t'aider, je sais qu'elle est chiante.

    A tout de suite,

    Lulu"

     

    Je restai quelques secondes immobile, incrédule. Je devais être maudite. Quelqu'un dans ce foutu royaume m'en voulait à mort. Foutue journée: Belzébuth et moi avions eu une violente altercation - à l'origine de la destruction d'une des tours du palais - et nous avons été arrêtés par la garde royale pour annihilation de bien matériel appartenant à son Impériale Majesté Lucifer. Passablement énervée, j'avais saisis Błyskawica, mon arme favorite, et avait d'un seul éclair envoyé valser la moitié d'un régiment. Comme si ça ne suffisait pas, il fallait que je me coltine Vérité ET Samaël! L'une essayait de me faire sortir de mes gonds tandis que l'autre me draguait sans arrêt. Si je ne tuais pas quelqu'un avant la fin de la journée, j'allais exploser.

    Quelqu'un toqua à la porte. Sans attendre de réponse, un beau gosse blond crâneur ouvrit la porte et me fit un grand sourire.

    -Bien le bonjour, exquise créature.

    Au moins, il avait eu le bon sens de prévenir. Une fois, il avait débarqué dans mon bureau pendant que Bel et moi nous... hum... réconcilions... Il avait faillit finir privé de tous les attributs de son sexe. Depuis, il toquait.

    -Bonjour, Samaël, grommelai-je.

    Il me fit un sourire aussi lumineux que le soleil.

    -Comment va la plus belle femme du pays? Tiens, je me disais, puisque ça s'est refroidit entre toi et l'autre imbécile, ça te dirait de venir diner avec moi?

    -Même pas en rêve, mon cœur, répondis-je suavement en me levant.

    Je claquai la porte en partant. Ça calmait les nerfs. Heureusement que Vérité n'était pas loin, sinon je me serais tirée une balle. En attendant, j'avais un boulet qui tenta durant tout le chemin de me prendre par la main, de me voler un baiser ou de me convaincre de venir diner avec lui. Nous n'avions pas quitté mon couloir que je me retournai, furieuse.

    -Écoute, je ne suis vraiment pas d'humeur. Si tu ne veux pas que je te découpe les ailes et que je les cloue devant les appartements de Lucifer, ce qui lui ferait certainement plaisir, t'as intérêt à la boucler, OK?

    Il haussa les épaules.

    -Comme tu veux. Dès que tu auras accepté de venir diner avec moi.

    -Même pas en rêve.

    -Tant pis.

    Il reprit de plus belle.

     

    L'architecture du palais Noir était particulièrement tortueuse, affreusement incertaine et vraiment tordue. Entre des trompe l’œil, des escaliers menant dans les endroits les plus invraisemblables et des portes enchantées s'ouvrant parfois sur l'autre bout de l'Enfer, il y avait plus de chance de mourir que d'en sortir vivant. J'en connaissais tous les coins et les recoins. Nous arrivâmes donc dans le grand Hall sains et sauf. Occupant la majeure partie du rez-de-chaussé du palais (et celui-ci s'étendait sur plusieurs dizaines de kilomètres) on y trouvait des entrées de bureaux, des jardins, des accès à certaines parties du palais, des restaurants, des centres commerciaux, des statues à la gloire de Lucifer à ne plus savoir qu'en faire et tout un tas d'autres choses utiles, comme des fast food ou d'autres endroits sympas. Dans cette immense galerie il était difficile de sortir intact: elle était toujours pleine de démons de basses conditions autant que de puissants monstres, de guerriers, de Déchus et de créatures toutes plus terrifiantes/immenses/armées/affamées/dangereuses auquel il ne fallait pas se frotter.

    J'étais de cette dernière catégorie, comme mon compagnon. Nous ne faisions pas partie des sept princes/princesses de l'Enfer pour rien. Notre titre n'indiquait aucun lien de vraie parenté avec son Impériale Majesté mais notre puissance et notre rang. Bref, les gens flippaient en me voyant. Même les gens avec des cornes/griffes/crocs se disaient: "Tiens, et si j'allai plutôt me planquer de l'autre côté de la rue...". Rien d'étonnant étant donné que j'avais la sombre habitude de m'énerver sur un petit démon de passage plutôt que sur le véritable objet de ma colère. Un de moins ne faisait pleurer personne: ils pullulaient comme des rats. Et ça faisait du bien, un petit massacre, de temps à autre.

    Enfin, nous atteignîmes les appartements de Vérité. J'hésitai une seconde avant de toquer. Et ouvris la porte. Vérité était assise en tailleur au milieu de la pièce, lévitant à un mètre au-dessus du sol, un livre dans les mains. A première vue, elle paraissait l'être le plus adorable des Enfers, avec sa peau caramel innocents, sa longue chevelure de neige, ses adorables fossettes et ses grands yeux d'enfants. Elle ne paraissait pas plus de dix ans. Et pourtant, c'était l'être le plus chiant que l'on puisse imaginer.

    -Quoi? râla-t-elle en nous apercevant.

    -Lucifer veut te voir, lâchai-je morosement.

    -Génial... J'irais pas. J'ai pas envie.

    J'inspirai calmement.

    -Vérité, tu vis dans le palais de Lucifer. C'est elle qui décide. Si elle te dit de venir, tu viens.

    Elle leva les yeux au ciel.

    -T'es pas obligée de parler comme si j'étais une attardée, non plus. C'est peut-être Lucifer qui dirige, mais n'oubliez pas que je suis plus puissante qu'elle.

    -Mais oui, mais oui..., râlai-je.

    Un soupir franchit mes lèvres. Je pensais être sur le point de la frapper. Je n'avais jamais été vraiment patiente avec elle.

    -Bon, Vérité, ça suffit le caprice, ajouta Samaël en croisant les bras.

    -Tiens, le coureur de jupons de ces dames..., ricana-t-elle. C'est bizarre, je ne t'avais pas vue.

    Samaël se hérissa. Il savait qu'elle le cherchait mais il détestait qu'elle lui affirme qu'il n'était pas le centre du monde (malheureusement pour lui). Je me sentais presque compatissante. Presque.

    -Écoute, j'ai pas de leçon à recevoir d'un prince des Enfers immature qui préfère séduire les jolies démones que faire son boulot. C'est clair? Maintenant, fichez-moi la paix, les demeurés.

    Je l'avoue, ce qui suit fut entièrement de ma faute. J'étais plus qu'énervée par cette gamine écervelée. Je saisis Błyskawica et lui décochais un éclair qui l'envoya valser contre le mur de sa chambre. Elle retomba, inerte. Samaël alla ramasser le corps de la peste et la cala sous son bras, comme un vulgaire sac. Elle serait suffisamment sonnée pour au moins quelques minutes.

    -Bien joué, ma belle.

    -Ça ne durera pas. Allons-y avant qu'elle ne se réveille.

    Nous nous dépêchâmes d'avancer. Sur le chemin du retour, j'eus de nouveau droit au harcèlement de Samaël.

    -T'est vraiment une femme, toi. T'es sûre de ne pas vouloir venir dîner avec moi? me (re)dit-il en essayant de maintenir Vérité, qui commençait à gigoter (elle s'était réveillée).

    -Archi sûre, soupirai-je pour la énième fois avant d'apercevoir une silhouette familière au loin.

    Une silhouette masculine qui nous fixait d'un air sombre. Belzébuth. Je sentis une décharge électrique parcourir mon corps.

    -D'accord pour le dîner. Demain, ajoutai-je précipitamment.

    Fallait bien se venger. Samaël eut un sourire carnassier. Lui aussi venait de comprendre mon revirement soudain. Il hurla à Belzébuth:

    -Eh, mon vieux! J'emmène Azazel diner demain!

    Je haussai les épaules, habituée à leur rivalité. Ces deux-là ne pouvaient pas se voir en peinture.

    -Vous êtes mignon mais si vous voulez vous rouler une pelle, allez ailleurs, grommela Vérité.

    -La ferme!

    Putain, vivement qu'on y soit, que je sois débarrasser d'eux.

    Et ce diner... J'étais presque sûre d'avoir fait une connerie monumentale.


  • Commentaires

    1
    Mardi 24 Octobre 2017 à 17:58

    C'est super ! Je n'ai pas vu de fautes et c'es bien écrit. J'adore, continue !

      • Mardi 24 Octobre 2017 à 20:05

        Merci! C'était juste pour avoir un avis externe: les proches ne sont pas très conseillés lorsqu'il s'agit de demander un avis...

      • Mardi 24 Octobre 2017 à 20:50

        Je confirme, soit ils ne veulent pas lire, soit c'est merveilleux et ça mérite d'être éditer alors qu'on veut juste s'améliorer ! (comme toujours, smiley qui rigole)

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